dimanche 2 janvier 2011

Itinéraires corses/Mirabilia

Mirabilia (mot latin dérivé de l’adjectif mirabilis, is, e) : choses étonnantes, admirables. Dans la tradition littéraire développée en Europe depuis l’Antiquité gréco-latine, ce terme est donné également à un recueil de textes décrivant des « merveilles ». Chez Pline l’Ancien, le mot mirabilia désigne à la fois merveilles architecturales et prodiges de la nature. Il semble probable que ces mirabilia aient le pouvoir de stimuler la curiosité, de déclencher la métaphore et de catalyser l’imaginaire.

L’oursin, dépouillé de ses piquants, est comme un globe, une lanterne. Les lignes bicolores de son test rugueux, formé de plaques calcaires soudées, suggèrent la symétrie pentamérique qui le gouverne. Son volume est ainsi qu’une sphère pâteuse, que la pression sous marine aurait légèrement écrasée pour lui donner une base plane. Selon l’endroit du test où la pression s’applique, on ressent la structure, résistante malgré la minceur de la paroi, ou alors prête à se rompre. Une poussée un peu plus forte et il se désagrège et laisse voir son intérieur piqueté d’impactes, comme des trous d’épingle savamment organisés en côtes, de la base au sommet en autant de méridiens. Ce monument à la symétrie délicate offre ainsi une forme de perfection géométrique que l’on ne découvre qu’une fois l’animal disparu.

L’ormeau, lui, ne laisse pas deviner aussi évidemment son architecture. Pourtant, contrairement à son homologue, ses deux faces se découvrent sans fracas. Celle, extérieure, avec ses dépôts, ses cicatrices et son camouflage de petits mollusques, ne permet que difficilement de lire sa structure en spirale aplatie. Une série de perforations disposées au cours de sa croissance le long d’une courbe forme comme le balisage de sa ligne de vie. Si cette face reste discrète et ne brille que par sa modestie –n’est-il pas un peu ridicule de tirer son nom savant Haliotis de sa forme d’oreille de mer ?-, c’est qu’il a un autre argument : son intérieur nacré. Iridescent comme l’hydrocarbure à la surface d’une flaque, et finement ridé à l’image des ripple-marks sur le sable de la baie, il est par sa fine coupe ovoïde le piège par lequel les cieux d’en-dessus s’affaissent sur ceux d’en-dessous. Cela peut être une déception lorsque l’intérieur s’est mâtifié et les reflets de nacre troublés ; on est de toute manière toujours un peu désappointé qu’il ait quitté son élément, ce fragment de miroir tombé dans les anfractuosités sous-marines, sur lequel passe un reflet du ciel sous la mer.

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